dimanche 22 août 2010

De père missionnaire à évêque 1897 - 1903

Malgré le travail ingrat et peu fructueux des missions au sud de l'Alberta et le désir de Mgr Grandin de lui offrir du travail chez des communautés où le catholicisme était plus fertile, père Legal refusa toujours poliment et servit si fidèlement sa mission chez les Pieds-Noirs. En effet, dans une lettre qu'il écrivit à Mgr Grandin, il affirma : « Je préfère rester au milieu de mes Sauvages, malgré le peu de fruit de notre ministère, malgré la stérilité de tous nos efforts. Il faudra des années, des générations peut-être pour transformer ces nations. Quelques missionnaires doivent assister à ces années d'insuccès et d'aridité : je n'ai aucune objection à être de ce nombre. »

L'on peut comprendre, alors, pourquoi Mgr Grandin l'avait à l'œil depuis son arrivée dans les Territoires du Nord-Ouest et pourquoi il souhaitait tant le voir à ses côtés, garantissant un successeur passionné à l'évêché de Saint-Albert. Comme nous le font remarquer la plupart des journaux et livres sur le sujet, père Legal apprit qu'il était nommé coadjuteur à Mgr Grandin de la même manière que Saint-Bonaventure reçut le chapeau de cardinal quelques siècles auparavant. Saint-Bonaventure faisait la vaisselle dans un couvent franciscain tandis que père Legal enterrait un enfant baptisé qui venait de mourir sur la réserve des Gens du Sang le 6 mai 1897. Le sacre eut lieu le 17 juin. Père Émile Legal était dorénavant Monseigneur Émile Legal, évêque de Poglia et coadjuteur à Mgr Grandin. Aux souhaits de ce dernier, Mgr Legal fut aussi nommé vicaire des missions.

Dès lors, il s'impliquait avidement dans toutes les affaires du diocèse de Saint-Albert qui était divisé en cinq districts : Saint-Albert, Edmonton, Calgary, le lac Laselle et le district des Pieds-Noirs. Le tout subdivisé en quarante-six missions, paroisses, ou postes. Il administrait un diocèse qui avait considérablement changé depuis son arrivée à Saint-Albert en 1881. En ce temps-là, les prêtres et soeurs majoritairement francophones travaillait pour l'évangélisation des Premières Nations et ils desservaient aussi les quelques Métis et Blancs des postes de traite de fourrure. L'arrivée du chemin de fer à Calgary en 1883 changea considérablement le rôle de l'Église dans le Nord-Ouest. La population blanche passa de 3 500 en 1881 à plus de 570 000 en 1901. Le clergé faisait toujours un effort de christianiser les Amérindiens, mais de plus en plus de prêtres étaient consacrés à servir des paroisses multiculturelles et multilingues.

Mgr Émile Legal avait donc la tâche ardue de développer les missions, ouvrir de nouvelles paroisses et jongler avec les maigres finances. Cette situation ne permettait pas aux paroisses de s'offrir les services d'un architecte. Mgr Legal se chargeait personnellement de tracer les plans d'église et parfois d'en désigner l'emplacement. Ce fut le cas de l'église d'Edna en 1897 et celle de Macleod en 1899 ainsi que plusieurs petites églises du centre et du sud de l'Alberta. Quand Mgr Legal recevait des plans entièrement préparés, il les examinait scrupuleusement et proposait souvent des modifications. Il préparait aussi des plans pour les résidences de ses prêtres. Ses connaissances en architecture lui permirent de tracer les plans des pensionnats de la réserve des Piéganes à Brocket et la réserve des Gens du Sang à Standoff en 1897. Il le fit de nouveau en 1899 pour les pensionnats de Blackfoot Crossing et de Saint-Paul-des-Métis. Son travail l'amena parfois jusqu'à se rendre sur place pour s'informer du prix des matériaux, rencontrer un contremaître et entamer les démarches pour obtenir l'autorisation de construire.

Pour ce qui est des paroisses multiculturelles, le défi du diocèse était assez particulier. La plupart du clergé catholique était formé de prêtres et de sœurs de la France. Contrairement aux Canadiens Français au Nord-Ouest, Mgr Legal et Mgr Grandin n'avaient pas de sentiments nationalistes envers la prééminence du français. Ils étaient d'abord et avant tout missionnaires catholiques et ils croyaient fermement que la religion se gardait par la langue. Les oblats ont même rédigé les premiers dictionnaires et grammaires de plusieurs langues autochtones de l'Ouest. Mgr Legal comprit vite que si les immigrants européens n'étaient pas desservis en leur langue, ils passeraient à l'anglais et, ensuite, au protestantisme. La composition de la paroisse Saint-Joachim en 1898 donne une bonne idée du défi à relever. Elle comptait 195 Canadiens Français, 175 Métis, 116 Irlandais, 29 Anglais, 16 Allemands, 10 Polonais, 9 Français, 2 Galiciens, 2 Belges et 1 Suisse. Dans certaines paroisses, il n'était pas rare d'entendre le sermon en quatre langues différentes.

Chez les prêtres du diocèse, il y avait une proportion assez signifiante de pères multilingues ayant étudié ou vécu d'autres langues que le français en Europe et au Canada. L'évêché de Mgr Legal ne fut toutefois pas prête à recevoir les quelques 20 000 Ruthènes (Galiciens ukrainiens) qui s'installèrent dans les Prairies au tournant du siècle. Ils appartenaient à l'Église grecque-catholique ruthène qui fait partie du rite byzantin auquel aucuns pères ne se connaissaient et leur dialecte, le petit russe, était tout aussi méconnu. Les Ruthènes arrivèrent ici avec très peu et l'évêque s'inquiétait grandement qu'ils se fissent assimiler par l'argent des Protestants. Après un voyage en Autriche infructueux et une demande au Saint-Siège refusée, Mgr Legal envoya le père Lacombe à Rome et auprès du gouvernement autrichien. Son passage prépara la voie pour l'année suivante quand le père Jan, un missionnaire oblat, termina les négociations et deux pères basiliens de la Galicie vinrent au diocèse servir leurs compatriotes.

Mgr Vital-Justin Grandin mourut le 2 juin 1902 et Mgr Émile Legal assuma la tête du diocèse de Saint-Albert.

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