mercredi 25 août 2010

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Ce blogue décrit le rôle que joua mgr Émile Legal dans l'histoire de l'Alberta et de Saint-Albert.
Mgr Legal naquit en 1849, en France. Il grandit et vécut en France jusqu'à ce que les décrets de Jules Ferry précépitèrent son départ prévu pour le Canada. Il travailla dans les missions pieds-noirs du sud de l'Alberta de 1881 à 1897. Cette dernière année, il fut nommé coadjuteur à mgr Grandin. À la mort de ce dernier en 1903, il le remplaça. En 1912, le Saint-Siège déménagea le diocèse de Saint-Albert à Edmonton et, par la même occasion, le transforma en archidiocèse. Il s'éteignit en 1920.
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lundi 23 août 2010

Père missionnaire 1849 - 1897

Né le 9 octobre 1849, à Saint-Jean-de-Boiseau (Loire-Atlantique) en France de Julien Legal et de Perrine David, Mgr Émile Legal étudia aux petit et grand séminaires de Nantes, où il s'intéressa particulièrement à l'architecture religieuse française, intérêt qui lui servirait bien plus tard. Il suivit des cours au collège de Machecoul puis à l'Université de France. Il fut ordonné prêtre le 29 juin 1874 par Mgr Félix Fournier, évêque de Nantes qui l'affecta au poste de professeur de mathématiques dans le collège ecclésiastique Saint-Stanislas de Nantes, puis, en 1878 au Séminaire de Guérande. Pendant ces années, Mgr Legal passa ses vacances à visiter l'ouest de la France et à observer son architecture.

Malgré son manque d'attirance à l'enseignement, Mgr Legal se fit apprécier de tous d'une telle façon qu'il dut se débattre pour obtenir un relèvement de ses fonctions pour devenir missionnaire. Il l'eut en 1879 puis il entra au noviciat de Nancy le 19 août 1879 pour se faire expulser avec les congrégations religieuses interdites par les décrets de Jules Ferry. Cet événement hâta son départ prévu pour l'Amérique où il termina son noviciat à la résidence des Oblats à Lachine, Québec. Il fit le vœu perpétuel le 24 septembre 1880, le jour de la fête de Notre-Dame de la Merci. Il était alors missionnaire et religieux à vie comme il l'avait souhaité.

L'hiver empêcha Mgr Legal de se rendre immédiatement vers le lointain diocèse de Saint-Albert. Il travailla successivement pour le saint ministère à Plattsburg, New York, au bord du lac Champlain et à Saint-Pierre-Apôtre de Montréal. Il servit aussi la paroisse Holy Angels de Buffalo, New York et il en profita pour améliorer son anglais.

Au printemps de l'an 1881, l'enthousiaste père Émile Legal se rendit à la mission de Mgr Grandin avec d'autres ardents apôtres. Rappelons-nous qu'à cette époque, le chemin de fer n'était pas encore construit et que pour se rendre à Saint-Albert, à l'Ouest des Territoires du Nord-Ouest, il fallait aux braves entrepreneurs de ce périple une centaine de jours à canot et à pied accompagné de guides métis.

Très tôt, on lui confia les missions des Pieds-Noirs, au sud de Calgary et au pied des Rocheuses. Là, il prit à cœur son rôle d’évangéliste auprès des communautés pied-noir de la rivière Bow, gens du sang de la rivière Belly, et piégane de Pincher Creek. Il servait une minime population catholique. En effet, avec le peu d'argent et de prêtres que recevaient les missions, les missionnaires individuels devaient s'occuper de populations étalées qu'il ne pouvait servir que périodiquement, rôle rendu compétitif avec la présence de missionnaires protestants. 

Ses tâches furent multiples ; maître d'école, architecte, cuisinier, médecin, et fossoyeur, en plus de celle d’évangéliser. Mgr Legal planifia et bâtit des missions, des résidences, des églises et des écoles. Seul ou avec l'aide d'un autre missionnaire, il réalisa toujours la tâche qui était sienne. Il baptisa des centaines d'enfants amérindiens et en éduqua des centaines d'autres pendant ses années passées et ses visites à Calgary [Bow River] (1881-1886) et Fort Macleod (1882-1884). Il fonda même la mission des Piéganes [Brocket] (1883-1889) et visita Pincher Creek (1884-1889) où il planifia et bâtit une église. Il servit ensuite la réserve des Gens du Sang (1889-1897) où il fut éducateur et où il bâtit une école et un hôpital.

Son travail ardu dans ces missions inhospitalières serait récompensé en 1897 quand Mgr Grandin le nomma son coadjuteur.

dimanche 22 août 2010

De père missionnaire à évêque 1897 - 1903

Malgré le travail ingrat et peu fructueux des missions au sud de l'Alberta et le désir de Mgr Grandin de lui offrir du travail chez des communautés où le catholicisme était plus fertile, père Legal refusa toujours poliment et servit si fidèlement sa mission chez les Pieds-Noirs. En effet, dans une lettre qu'il écrivit à Mgr Grandin, il affirma : « Je préfère rester au milieu de mes Sauvages, malgré le peu de fruit de notre ministère, malgré la stérilité de tous nos efforts. Il faudra des années, des générations peut-être pour transformer ces nations. Quelques missionnaires doivent assister à ces années d'insuccès et d'aridité : je n'ai aucune objection à être de ce nombre. »

L'on peut comprendre, alors, pourquoi Mgr Grandin l'avait à l'œil depuis son arrivée dans les Territoires du Nord-Ouest et pourquoi il souhaitait tant le voir à ses côtés, garantissant un successeur passionné à l'évêché de Saint-Albert. Comme nous le font remarquer la plupart des journaux et livres sur le sujet, père Legal apprit qu'il était nommé coadjuteur à Mgr Grandin de la même manière que Saint-Bonaventure reçut le chapeau de cardinal quelques siècles auparavant. Saint-Bonaventure faisait la vaisselle dans un couvent franciscain tandis que père Legal enterrait un enfant baptisé qui venait de mourir sur la réserve des Gens du Sang le 6 mai 1897. Le sacre eut lieu le 17 juin. Père Émile Legal était dorénavant Monseigneur Émile Legal, évêque de Poglia et coadjuteur à Mgr Grandin. Aux souhaits de ce dernier, Mgr Legal fut aussi nommé vicaire des missions.

Dès lors, il s'impliquait avidement dans toutes les affaires du diocèse de Saint-Albert qui était divisé en cinq districts : Saint-Albert, Edmonton, Calgary, le lac Laselle et le district des Pieds-Noirs. Le tout subdivisé en quarante-six missions, paroisses, ou postes. Il administrait un diocèse qui avait considérablement changé depuis son arrivée à Saint-Albert en 1881. En ce temps-là, les prêtres et soeurs majoritairement francophones travaillait pour l'évangélisation des Premières Nations et ils desservaient aussi les quelques Métis et Blancs des postes de traite de fourrure. L'arrivée du chemin de fer à Calgary en 1883 changea considérablement le rôle de l'Église dans le Nord-Ouest. La population blanche passa de 3 500 en 1881 à plus de 570 000 en 1901. Le clergé faisait toujours un effort de christianiser les Amérindiens, mais de plus en plus de prêtres étaient consacrés à servir des paroisses multiculturelles et multilingues.

Mgr Émile Legal avait donc la tâche ardue de développer les missions, ouvrir de nouvelles paroisses et jongler avec les maigres finances. Cette situation ne permettait pas aux paroisses de s'offrir les services d'un architecte. Mgr Legal se chargeait personnellement de tracer les plans d'église et parfois d'en désigner l'emplacement. Ce fut le cas de l'église d'Edna en 1897 et celle de Macleod en 1899 ainsi que plusieurs petites églises du centre et du sud de l'Alberta. Quand Mgr Legal recevait des plans entièrement préparés, il les examinait scrupuleusement et proposait souvent des modifications. Il préparait aussi des plans pour les résidences de ses prêtres. Ses connaissances en architecture lui permirent de tracer les plans des pensionnats de la réserve des Piéganes à Brocket et la réserve des Gens du Sang à Standoff en 1897. Il le fit de nouveau en 1899 pour les pensionnats de Blackfoot Crossing et de Saint-Paul-des-Métis. Son travail l'amena parfois jusqu'à se rendre sur place pour s'informer du prix des matériaux, rencontrer un contremaître et entamer les démarches pour obtenir l'autorisation de construire.

Pour ce qui est des paroisses multiculturelles, le défi du diocèse était assez particulier. La plupart du clergé catholique était formé de prêtres et de sœurs de la France. Contrairement aux Canadiens Français au Nord-Ouest, Mgr Legal et Mgr Grandin n'avaient pas de sentiments nationalistes envers la prééminence du français. Ils étaient d'abord et avant tout missionnaires catholiques et ils croyaient fermement que la religion se gardait par la langue. Les oblats ont même rédigé les premiers dictionnaires et grammaires de plusieurs langues autochtones de l'Ouest. Mgr Legal comprit vite que si les immigrants européens n'étaient pas desservis en leur langue, ils passeraient à l'anglais et, ensuite, au protestantisme. La composition de la paroisse Saint-Joachim en 1898 donne une bonne idée du défi à relever. Elle comptait 195 Canadiens Français, 175 Métis, 116 Irlandais, 29 Anglais, 16 Allemands, 10 Polonais, 9 Français, 2 Galiciens, 2 Belges et 1 Suisse. Dans certaines paroisses, il n'était pas rare d'entendre le sermon en quatre langues différentes.

Chez les prêtres du diocèse, il y avait une proportion assez signifiante de pères multilingues ayant étudié ou vécu d'autres langues que le français en Europe et au Canada. L'évêché de Mgr Legal ne fut toutefois pas prête à recevoir les quelques 20 000 Ruthènes (Galiciens ukrainiens) qui s'installèrent dans les Prairies au tournant du siècle. Ils appartenaient à l'Église grecque-catholique ruthène qui fait partie du rite byzantin auquel aucuns pères ne se connaissaient et leur dialecte, le petit russe, était tout aussi méconnu. Les Ruthènes arrivèrent ici avec très peu et l'évêque s'inquiétait grandement qu'ils se fissent assimiler par l'argent des Protestants. Après un voyage en Autriche infructueux et une demande au Saint-Siège refusée, Mgr Legal envoya le père Lacombe à Rome et auprès du gouvernement autrichien. Son passage prépara la voie pour l'année suivante quand le père Jan, un missionnaire oblat, termina les négociations et deux pères basiliens de la Galicie vinrent au diocèse servir leurs compatriotes.

Mgr Vital-Justin Grandin mourut le 2 juin 1902 et Mgr Émile Legal assuma la tête du diocèse de Saint-Albert.

vendredi 20 août 2010

Moraliste et archevêque 1903 - 1920

Quand Mgr Émile Legal devint évêque du diocèse de Saint-Albert, le Nord-Ouest comptait 8 évêques, 307 prêtres dont 98 prêtres séculiers, 408 églises,136 écoles et plusieurs hôpitaux. Au décès de Mgr Grandin, on pouvait compter 100,000 personnes baptisées.

On peut se demander pourquoi le français n'a pas gardé prépondérance en Alberta quand presque tout le clergé catholique était francophone ce qui signifiait que l'éducation catholique se faisait en français. Historiquement, au Canada, l'éducation en français était immanquablement liée à l'éducation catholique de même que l'éducation en anglais était inévitablement associée à l'enseignement protestant. Le système des écoles séparées fut établi lors de la Confédération en 1867. Les minorités religieuses obtenaient le droit d'établir leurs propres écoles et de les gérer. Ce fut le cas pour le Manitoba à sa création en 1870 et pour le Nord-Ouest en 1875 quand il obtint une plus grande autonomie en passant sous l'administration d'un lieutenant-gouverneur. Le français avait donc un statut officiel devant les tribunaux et l’assemblée aux débuts de la colonisation de l'Ouest. L'âge d'or de l'épanouissement du français dans l'éducation au Nord-Ouest débuta en 1884 avec l'établissement de deux comités séparés, un catholique, l'autre protestant, pour gérer leur système d'éducation respectif. Il se termina en 1892 quand le fanatisme anglo-saxon et la baisse proportionnelle de la population francophone eurent raison de la direction du territoire qui vota une ordonnance abolissant le français comme langue officielle et amalgamant les écoles catholiques et protestantes sous la même direction. L'anglais était la seule langue de l'éducation, mais un cours élémentaire de français était toutefois permis.

À l'approche de la formation des provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan en 1905, Mgr Legal voulait conserver le système  d'écoles séparées pour garantir une éducation francophone et catholique à ses sujets. Publiquement, Mgr Legal, à l'esprit universaliste, prônait la neutralité entre les nations. Quand, en 1901, le gouvernement anglo-saxon des Territoires du Nord-Ouest avait fait passer les écoles catholiques sous la direction des protestants en réformant les lois scolaires et que le français n’était offert qu’en première année, il dit à un journaliste qu'il rencontra à Montréal qu'un système d'écoles séparées existait et qu'il désirait le garder après la formation des deux provinces. Le journaliste joua avec ses propos et écrivit dans son article que Mgr Legal était satisfait du système actuel. Au lieu de tenter de corriger tous les journaux qui revendaient ces faux propos, Mgr Legal préféra garder le silence et il ne signa pas une lettre circulaire de l'épiscopat canadien exposant les lacunes dans les écoles catholiques. 

À  première vue d'œil, on pourrait dire que Mgr Legal ne tenait pas à cœur les inquiétudes des Canadiens Français du Nord-Ouest, mais au fond, il faut pointer du doigt le fanatisme anglo-saxon et le manque de courage des députés Canadiens Français à l’égard de ces mesures. Le parti conservateur voulant abolir le système d'écoles séparées, l'évêque nomma un propagandiste officiel pour le parti libéral pour l'élection de 1908. Il se mérita donc quelques faveurs auprès du ministère de l'éducation qui lui donna ce qu'il réclamait depuis 1898 ; un inspecteur d'école francophone, des manuels acceptables pour les catholiques, la reconnaissance des certificats d'école normale du Québec (pour le recrutement d'enseignants francophones) et la prolongation de l'enseignement à une heure par jour de français de la deuxième à la huitième année. 

L'épiscopat de Mgr Émile Legal, d’après ses encouragements, vit fleurir des organismes francophones tel plusieurs Sociétés Saint-Jean-Baptiste, l'Alliance nationale, et l'Union française. Sous son règne, la presse francophone connut son âge d'or avec la publication de huit différents hebdomadaires francophones incluant le Courrier de l'Ouest (1905-1916) et l'Union (1917-1929). Le Juniorat Saint-Jean et le Collège des Jésuites virent le jour pendant son épiscopat.

Comme nous l'avons constaté dans les derniers articles, Mgr Legal avait un intérêt considérable pour l'architecture religieuse. Quand il fut nommé coadjuteur à Mgr Grandin en 1897, il vit que la cathédrale actuelle de Saint-Albert était trop petite pour répondre aux besoins de la paroisse. En 1898, lorsqu'il voyagea dans l'Est canadien et en Europe, il étudia les différents styles qui s'offraient à lui. Il tomba sur un style romano-byzantin qui s'éloignait des styles gothiques qu'on peut voir en France et dans l'Est canadien. C'était assez peu conventionnel de vouloir un tel style pour sa cathédrale alors on peut croire qu'il cherchait à donner une vision plus éclectique au diocèse, ou qu'il adoptait un style d'Europe de l'est pour les immigrants qui arrivaient en grand nombre de ces contrées. Quoi qu'il en fût, ce projet coûtait une somme assez importante d'argent et la construction s'est arrêtée au soubassement de la cathédrale.

Le 30 novembre 1912, le Saint-Siège créa un nouveau diocèse pour la région de Calgary et transforma le diocèse de Saint-Albert en un archidiocèse à cause de la croissance importante de catholiques dans le diocèse depuis sa création environ cinquante ans auparavant. À Calgary, on nomma un évêque irlandais, peu après, une proportion importante de prêtres irlandais arrivèrent en Alberta ce qui fit accroître les ecclésiastiques anglophones. Par la même occasion, on demanda à Mgr Legal de déménager son siège archiépiscopal à Edmonton. La cathédrale de Saint-Albert perdit alors sa raison d’être alors il ne cherchait plus vraiment à le compléter. À Edmonton, il utilisa l'église Saint-Antoine comme cathédrale et il entreprit la construction d'une autre cathédrale à inspirations romano-byzantines, mais encore une fois l'érection du bâtiment fut interrompue au stade du soubassement par un manque de financement causé par la Première guerre mondiale. 

Mgr Legal garda ses bureaux à Saint-Albert pendant quelque temps après le déménagement et bien qu'il était à la tête d'un diocèse assez vaste, il sut toujours s'intéresser à sa paroisse de Saint-Albert. En effet, Émilie Michelot se rappelait son enfance où Mgr Legal distribuait des sacs de bonbons à chaque jeune du village vers le jour de l'an.

Mgr Émile Legal s'éteignit le 10 mars 1920 et fut remplacé par Mgr Henry O'Leary, un Irlandais. La cathédrale de Saint-Albert fut complétée d'après les lignes  d'un autre architecte, mais les fenêtres de son sous-sol gardent toujours le style qu'il souhaitait donner à l'église. À sa mort, le diocèse comptait 117 prêtres dont 95 francophones et 424 religieuses dont 356 francophones. Les francophones en Alberta se chiffraient à 40 000.

dimanche 25 juillet 2010

Pour plus d'information

Jonquet, Émile (1857-1914) [détails]; Légal, Émile Joseph (1849-1920). Mgr. Grandin, Oblat de Marie Immaculée: premier évêque de Saint-Albert. Montreal
http://peel.library.ualberta.ca/bibliography/2629.html?qid=peelbib|Legal|(peelnum:002629)|score pages 449-512


Catholic Women’s League of Canada (1949), A short history of the Catholic Church in southern Alberta : Diocese of Calgary, 1865-1948 : with illustrations of Southern Alberta and the Rocky Mountains

Gaston Carriere, o.m.i.
Dictionnaire biographique des Oblats de Marie Immaculee au Canada vol. 2

Oblates of Mary Immaculate; Legal, Émile Joseph (1849-1920). "[Lettre de la réserve des Piéganes, 30 novembre 1882]"

Études Oblates de l’Ouest vol. 2, Gilles Cadrin, p.237-249, Émile Legal de l’architecture des missions à l’architecture monumentale

http://www.albertasource.ca/oblatesinthewest/eng/media/f-gilles-EmileLegal.html

http://www.albertasource.ca/oblatesinthewest/eng/media/f-gilles-NationR.html