Quand Mgr Émile Legal devint évêque du diocèse de Saint-Albert, le Nord-Ouest comptait 8 évêques, 307 prêtres dont 98 prêtres séculiers, 408 églises,136 écoles et plusieurs hôpitaux. Au décès de Mgr Grandin, on pouvait compter 100,000 personnes baptisées.
On peut se demander pourquoi le français n'a pas gardé prépondérance en Alberta quand presque tout le clergé catholique était francophone ce qui signifiait que l'éducation catholique se faisait en français. Historiquement, au Canada, l'éducation en français était immanquablement liée à l'éducation catholique de même que l'éducation en anglais était inévitablement associée à l'enseignement protestant. Le système des écoles séparées fut établi lors de la Confédération en 1867. Les minorités religieuses obtenaient le droit d'établir leurs propres écoles et de les gérer. Ce fut le cas pour le Manitoba à sa création en 1870 et pour le Nord-Ouest en 1875 quand il obtint une plus grande autonomie en passant sous l'administration d'un lieutenant-gouverneur. Le français avait donc un statut officiel devant les tribunaux et l’assemblée aux débuts de la colonisation de l'Ouest. L'âge d'or de l'épanouissement du français dans l'éducation au Nord-Ouest débuta en 1884 avec l'établissement de deux comités séparés, un catholique, l'autre protestant, pour gérer leur système d'éducation respectif. Il se termina en 1892 quand le fanatisme anglo-saxon et la baisse proportionnelle de la population francophone eurent raison de la direction du territoire qui vota une ordonnance abolissant le français comme langue officielle et amalgamant les écoles catholiques et protestantes sous la même direction. L'anglais était la seule langue de l'éducation, mais un cours élémentaire de français était toutefois permis.
À l'approche de la formation des provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan en 1905, Mgr Legal voulait conserver le système d'écoles séparées pour garantir une éducation francophone et catholique à ses sujets. Publiquement, Mgr Legal, à l'esprit universaliste, prônait la neutralité entre les nations. Quand, en 1901, le gouvernement anglo-saxon des Territoires du Nord-Ouest avait fait passer les écoles catholiques sous la direction des protestants en réformant les lois scolaires et que le français n’était offert qu’en première année, il dit à un journaliste qu'il rencontra à Montréal qu'un système d'écoles séparées existait et qu'il désirait le garder après la formation des deux provinces. Le journaliste joua avec ses propos et écrivit dans son article que Mgr Legal était satisfait du système actuel. Au lieu de tenter de corriger tous les journaux qui revendaient ces faux propos, Mgr Legal préféra garder le silence et il ne signa pas une lettre circulaire de l'épiscopat canadien exposant les lacunes dans les écoles catholiques.
À première vue d'œil, on pourrait dire que Mgr Legal ne tenait pas à cœur les inquiétudes des Canadiens Français du Nord-Ouest, mais au fond, il faut pointer du doigt le fanatisme anglo-saxon et le manque de courage des députés Canadiens Français à l’égard de ces mesures. Le parti conservateur voulant abolir le système d'écoles séparées, l'évêque nomma un propagandiste officiel pour le parti libéral pour l'élection de 1908. Il se mérita donc quelques faveurs auprès du ministère de l'éducation qui lui donna ce qu'il réclamait depuis 1898 ; un inspecteur d'école francophone, des manuels acceptables pour les catholiques, la reconnaissance des certificats d'école normale du Québec (pour le recrutement d'enseignants francophones) et la prolongation de l'enseignement à une heure par jour de français de la deuxième à la huitième année.
L'épiscopat de Mgr Émile Legal, d’après ses encouragements, vit fleurir des organismes francophones tel plusieurs Sociétés Saint-Jean-Baptiste, l'Alliance nationale, et l'Union française. Sous son règne, la presse francophone connut son âge d'or avec la publication de huit différents hebdomadaires francophones incluant le Courrier de l'Ouest (1905-1916) et l'Union (1917-1929). Le Juniorat Saint-Jean et le Collège des Jésuites virent le jour pendant son épiscopat.
Comme nous l'avons constaté dans les derniers articles, Mgr Legal avait un intérêt considérable pour l'architecture religieuse. Quand il fut nommé coadjuteur à Mgr Grandin en 1897, il vit que la cathédrale actuelle de Saint-Albert était trop petite pour répondre aux besoins de la paroisse. En 1898, lorsqu'il voyagea dans l'Est canadien et en Europe, il étudia les différents styles qui s'offraient à lui. Il tomba sur un style romano-byzantin qui s'éloignait des styles gothiques qu'on peut voir en France et dans l'Est canadien. C'était assez peu conventionnel de vouloir un tel style pour sa cathédrale alors on peut croire qu'il cherchait à donner une vision plus éclectique au diocèse, ou qu'il adoptait un style d'Europe de l'est pour les immigrants qui arrivaient en grand nombre de ces contrées. Quoi qu'il en fût, ce projet coûtait une somme assez importante d'argent et la construction s'est arrêtée au soubassement de la cathédrale.
Le 30 novembre 1912, le Saint-Siège créa un nouveau diocèse pour la région de Calgary et transforma le diocèse de Saint-Albert en un archidiocèse à cause de la croissance importante de catholiques dans le diocèse depuis sa création environ cinquante ans auparavant. À Calgary, on nomma un évêque irlandais, peu après, une proportion importante de prêtres irlandais arrivèrent en Alberta ce qui fit accroître les ecclésiastiques anglophones. Par la même occasion, on demanda à Mgr Legal de déménager son siège archiépiscopal à Edmonton. La cathédrale de Saint-Albert perdit alors sa raison d’être alors il ne cherchait plus vraiment à le compléter. À Edmonton, il utilisa l'église Saint-Antoine comme cathédrale et il entreprit la construction d'une autre cathédrale à inspirations romano-byzantines, mais encore une fois l'érection du bâtiment fut interrompue au stade du soubassement par un manque de financement causé par la Première guerre mondiale.
Mgr Legal garda ses bureaux à Saint-Albert pendant quelque temps après le déménagement et bien qu'il était à la tête d'un diocèse assez vaste, il sut toujours s'intéresser à sa paroisse de Saint-Albert. En effet, Émilie Michelot se rappelait son enfance où Mgr Legal distribuait des sacs de bonbons à chaque jeune du village vers le jour de l'an.
Mgr Émile Legal s'éteignit le 10 mars 1920 et fut remplacé par Mgr Henry O'Leary, un Irlandais. La cathédrale de Saint-Albert fut complétée d'après les lignes d'un autre architecte, mais les fenêtres de son sous-sol gardent toujours le style qu'il souhaitait donner à l'église. À sa mort, le diocèse comptait 117 prêtres dont 95 francophones et 424 religieuses dont 356 francophones. Les francophones en Alberta se chiffraient à 40 000.